el TiGeR CoMiCs GRoUP

a jujuart radio & tv music machine experience…

Textes

Personnalité ô combien singulière, Nicolas Germain aka elTCG est le fruit du biberonnage, d’une pratique intensive d’un temps où la riante Normandie (région française) et la ville de Caen, en particulier, pouvaient se targuer de nourrir la plus vibrante quintessence des musiques obscures, à l’aune d’une référence universelle absolue, Déficit Des Années Antérieures, et ses productions exemplaires du label iconoclaste, Illusion Production. Un temps perfidemment oublié du plus grand nombre, mais assurément pas des plus éminents historiens de l’ombre.

Talentueusement efficient pour le compte de multiples collaborations récentes et (toujours) épatantes ( PEST MODERN, Emmanuel ou Joël Hubaut, 3W Electron Tube, ne citer qu’eux) elTCG a, toutefois, toujours maintenu (conjugué au passé ou au présent de l’infinitif) le cap d’une production délicieusement sérieuse et foutraque à souhait (JuJu-art show). Dire, après cela, que les feux de la rampe s’impatientent, à briller de mille diodes, c’est évidemment mal connaître un artiste, qui cultive, avec certitude et intelligence, l’art savant d’une discrétion, réservée uniquement au cercle restreint de happy few. Fidèle à ce souhait discrétionnaire, nous n’évoquerons donc pas l’année 2020, et la production modulaire de 4 albums (Here, Now, There, Out) axiomes d’une fragile linéarité granulaire et polymorphe.

Contrepoint d’une synthèse, parfaitement maitrisée, AFTER libère et instille la préalable gravité (sunny 1) nécessaire à toute rupture monotonique. Staccato convulsif, « Again » déclare ouvert l’hostile batifolage séquentiel d’un éveil capricieux, mécanique. Confusion des sens, « Escape », tient sa promesse titulaire mais, le temps d’une décision sans retour en est très certainement le corollaire. 

Figure centrale d’un édifice sonore sans aucune complaisance, « Inside », entreprend une sombre (pélagique) plongée en eaux très obscures et ce ne sera pas le tintement graduel de « Near » qui puisse redonner un quelconque espoir de délivrance – Un gouffre béant – « On » n’a d’autre occurence qu’une privation vitale, l’ankylose ultime et définitive de tout auditeur. 

Fort heureusement, et ouvrant une nouvelle séquence, Run redonne un fugace espoir, celui d’une ondulation répétitive, un gazouillis prometteur, une accélération sous contrôle méthodique et contrainte. 

Classicisme apparent, « Sunny 2″ rappelle soudainement quelques images ensevelies, parfum et rêves de tangerine d’antan, en parfaite ascèse, minimalisme d’opportune rigueur. 

Cloturant momentanément un AFTER, préambule d’incertitudes, Waiting adopte une chronophagie mélodique perturbée, oscillation vagabonde, émiettement vacillant, résumé abstrait, filigrane d’un resserrement de toute sentimentalité. Défiant, el TiGeR CoMiCS GRoUp ne laisse rien au hasard, nous en sommes désormais quasi avertis.

Thierry Massard, 22 août 2022 (https://www.nocovision.com)


Nicolas Germain est Musicien et Artiste Plasticien, issu du Punk originel et créatif.

1984 en pleine vague froide, il fonde el TiGeR CoMiCs GRoUP utilisant les premières boites à rythmes et séquenceurs, armé sur scène de vidéo-projecteurs premières générations (on ne parlait pas encore de transversalités à l’époque).
Sa musique et son univers sonore sont à placer entre Bo Diddley sous acides et Steve Reich avec des guitares et pédales WhaWha.
Pas de musiques sans arts visuels et vice-versa, Nicolas Germain enseigne la plastique sonore, les techniques d’enregistrements et de montages, à l’Ecole Supérieure Arts et Médias de Caen/Cherbourg dont il est issu.
Il collabore selon affinités avec différents artistes contemporains, tels que Joël Hubaut, Antoni Muntadas, Jacques Luley, Céline Duval, Pierre Beloüin…

Sa dernière sortie en date est intitulée « Lady Bird » (Optical Sound-OS.046), dont il livrera ce soir un ensemble audio-visuel allant du chaos créatif, au blanc épuré et fantomatique.

(La route est longue vers demain…)

Jack Nance 2012


TWVSTCG (Thierry Weyd et Nicolas Germain)

TWVTCG rassemble les expérimentations sonores miniatures et désuètes de Thierry Weyd avec celles, technologiques et musicales, d’el Tiger Comics Group (Nicolas Germain) : lorsque l’un (TW) manipule délicatement des objets sonores acoustiques reposants sur un plateau, l’autre (el TCG) prélève les sons, les filtre, les spatialise et les transforme en une musique amplifiée : une brosse à dents électrique est la source d’une sombre nappe électronique, les chants d’oiseaux-jouets deviennent une rythmique hypnotique, et ainsi de suite au grès des objets manipulés par TW et des choix opérés par el TCG. Ainsi le paysage miniature et narratif de TW devient une matière abstraite, une musique évoluant dans l’espace amplifié de la salle de concert, et le spectateur est alors témoin de ce moment intermédiaire que nous pouvons qualifier de condensation sonore paradoxale entre les deux univers.

2017


eL TiGeR CoMiCs GRoUP (TCG) est en quelque sorte l’“outsider” de cette compilation. Ce projet a pourtant été créé il y a précisément vingt ans par Nicolas Germain, après sa sortie de l’École Supérieure d’Art de Caen, la même année que son fanzine Tarzan aime les images (le nom du projet faisant référence au Marvel Comics Group, éditeur de Tarzan aux États-Unis). Proche de formations aussi iconoclastes que Ptôse ou D.D.A.A., Nicolas Germain va alors développer une démarche artistique protéiforme, englobant aussi bien les arts visuels (peinture, installation multimédia, notamment au moyen de l’informatique, ou encore “vidéos d’ameublement”) que la musique, dans laquelle il questionne toutes les grandes entreprises de manipulation du monde contemporain – qu’il s’agisse de la religion, des médias ou la culture de masse (voir notamment son CD-Rom Start_up). Son “Juju-Art Concept” désigne justement ce mélange entre le son, la manipulation de la voix, le travail de l’image numérique, vidéo et celui du langage écrit. En 1988, TCG publie sur Gestation productions Things we do, premier album “sous forme d’objet” qui sera suivi de nombreux concerts intitulés “Juju-Art Shows”. Tous les moyens sont bons pour cette entreprise de propagande subversive qui a donné lieu à de nombreuses interventions – par exemple, en 1998, un concert miniature au FRAC de Basse-Normandie (aux côtés de Charlemagne Palestine, Dominique Petitgand ou Joël Hubaut), ou, l’année suivante, la présentation de VER, intervention sonore avec Jean-Luc André (D.D.A.A.), dans le cadre des Soirées Nomades de la Fondation Cartier à Paris.
Extrait de l’album Things we do, première réalisation de TCG, By knight a été spécialement réenregistré pour Echo Location.

David Sanson, 2005


Happy ?

Yes, No, Maybe…

War is Death, Fear is Data, Beliefs is Profit,… des mots mais aussi des chiffres, des lettres, des pourcentages, des points, autant de repères qui reviennent dans les environnements sonores et visuels de l’artiste. Une composition générale qui laisse à penser à un regard critique sur les composants du monde économico-politico-militaire dans lequel nous évoluons depuis la seconde moitié du XXème siècle.

Power, Religion, Abstraction, Attitude, Clone, War, Ignorance défilent sous nos yeux projetés sur écran en guise de fond des concerts ou juju-art show de El Tiger Comics Group, nom de “scène” de Nicolas Germain. D’autres fois ils apparaissent telles des images subliminales piégeant alors notre conscience à l’instar de méthodes propagandistes. Nicolas Germain met en exergue par le biais de ce langage le potentiel subversif de la sphère financière mondiale mixée aux enjeux militaires, politiques, voire religieux.

Dans les années 80, il dégage une production artistique axée sur le personnage de Tarzan, héros de BD, de cinéma. Enclin à dénoncer une certaine esthétique religieuse, ou des mises en scènes cultuelles au nom de la religion, il élabore des installations “sacrées” après avoir, quelque temps auparavant, sacrifié Tarzan dans ses peintures. Tarzan, ou l’origine indirecte du nom de ses concerts, JUJU-ART SHOW, repris du premier Tarzan avec Johnny Weissmuler (la montagne sacrée), El Tiger Comics Group faisant référence à “Marcel Comics Group”, éditeur des BD de Tarzan aux USA.

L’idée de l’individu, sous forme d’un nom de groupe, caractérise selon lui la déclinaison des médias abordés : outre la peinture, le graphisme – il publie des fanzines alors étudiant à l’Ecole des Beaux-Arts de Caen – il participe à des groupes de musique (MB rock agricole, MOB classé X, Les Mystères de l’Ouest), avant d’étendre plus amplement son champ dans un mixed-media prenant source dans l’informatique. Il conceptualise cette volonté transversale des médiums sous le nom de JUJU-ART-CONCEPT, soit un véritable mixage entre le son, la manipulation de la voix, le travail de l’image numérique, vidéo et celui du langage écrit. Il se produit dans des concerts visuels dès 1988. Construction d’environnements scéniques intégrant le numérique, les instruments à cordes, les voix, les mots filmés, manipulés ou imprimés sur des panneaux ouvrant sur la scène,… peut-être un clin d’œil ironique aux grands “show” orchestrés par des hommes politiques ou religieux. Chaque morceau énonce des mots déformés, des phrases répétitives qui rythment le flux des images projetées derrière El Tiger Comics Group. Vision de ciel bleu et nuages blanc juxtaposée à des avions de guerre. Des images de bombardements, tirs de missiles extraits de reportages récents – on pense à la guerre du Golfe – trouvent échos dans des images de films de guerre… Le travail de Nicolas Germain se situe du côté de l’engagement et de la position critique face aux médias et leur manipulation dans une forme d’économie où multinationales, intérêts militaires, géopolitiques, boursiers semblent dorénavant être les diktats d’un nouvel ordre mondial incluant dans leur jeu – comme des pions sur un damier – politiciens, religions, mass médias (radio, télévision, internet, communication…).

Le mot est média au même titre que l’image. La manipulation numérique des images et des mots par Nicolas Germain ne fait que transposer une forme de réalité déformée par la surinformation déversée par la télévision, la radio, internet où l’impact de l’image, le spectaculaire, l’émotion prévalent sur tout questionnement. La rapidité de l’information, du direct, d’internet piège le système émetteur-récepteur, l’individu récepteur n’ayant plus le temps de se prononcer, de digérer l’info transmise. Dans les juju-art show, les mots, les phrases énoncées et rythmées dans la répétition en pendant de leur projection écrite et numérique sur écran renvoient à cette fragmentation du discours, du copier-coller de l’information diffusée en continu dans certains médias.

Anne CARTEL, 2004.

 

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